Le proverbe le dit : « petite pluie abat grand vent ». Mais ce jour-là, il pleuvait, vraiment beaucoup. Comme convenu, depuis la série ordonnée par son médecin, je me rendais chez la Marie pour pratiquer sa piqure journalière. Avec le solex, fidèle moyen de locomotion, la pluie ne m’avait pas épargnée… Rincée jusqu’aux os ! Comme on dit chez nous.
Je demeure un instant sur le seuil. Elle est si patiente cette Marie. Et quelle patience ! La paralysie la maintient dans son lit depuis si longtemps. Et puis je ne résiste pas au sourire qu’elle m‘adresse : je me précipite sur elle, sans quitter l’imperméable ruisselant : « Ah c’est toi ? » dit-elle avec toute l’affection qu’elle me prodigue chaque jour…
Dépitée, sa fille se précipite : « Oh mais tu n’y penses pas ! Regarde, je viens juste de la changer ! Toute propre de ce matin ! Oh ! ». Et Marie caressant les cheveux le long de mon dos en me tenant serrée contre elle : « oh ! Laisse-la, va !! Il y a si longtemps que je n’ai pas été mouillée de pluie ! »
Ce matin, il y a de la buée sur la vitre de la cuisine, alors avant qu’elle ne disparaisse au coucher du soleil, j’écris ces quelques mots : « si l’on prenait le temps d’être heureux ! »
Michelle Rollet (infirmière au village jusqu’en 1964) / Parenthèse n°7 (Mars-Avril-Mai 2012)